De retour à la maison après une longue journée de travail à l’atelier où elle a fait le changement de roues, la réparation de fanes de l’avion et autres, Aimée est accueillie chaleureusement par son époux et son petit garçon qui dit “maman est venue, maman est venue”. Cependant, elle est toujours anxieuse car il faut que l’on lui dit si l’avion sur lequel elle a eu à travailler a décollé et atterri à destination sans panne mécanique.
Née à l’Est de la République de Côte d’Ivoire, précisément à Divo, une ville peu peuplée à la fois commune et chef de la région du Lôh-Djiboua et qui possède un climat de Savane avec un hiver sec. Aimée Nabo Lydéa a toujours eu une passion pour les métiers scientifiques bien avant d’obtenir un baccalauréat série Scientifique au Lycée moderne de ladite ville, un établissement dans lequel une patère de personnalités ivoiriennes sont passées. Quelques mois après, elle se rend dans la grande ville d’Abidjan, par ailleurs capitale économique ivoirienne, pour effectuer des études universitaires où elle obtient un diplôme en Sécurité Informatique à l’Université HEC-ABIDJAN.
“J’ai toujours rêvé de travailler comme informaticien dans une grande entreprise de la capitale économique d’Abidjan”, raconte Aimée Nabo.
Réalisant que ses rêves n’étaient pas possibles en raison de la difficulté d’obtention d’un emploi, Aimée travaillait donc dans une imprimerie pour subvenir à ces besoins, mais cela était en dessous de ses attentes. Quelques années plus tard, elle décide de s’inscrire au recrutement de nouveaux ingénieurs de maintenance aéronautique pour la compagnie d’aviation ivoirienne sur les conseils de l’une de ces amies. « Pour passer ce test il fallait avoir un diplôme d’une école d’ingénieur généraliste (informatique, télécommunications, électricité, etc.) puis nous sommes retournés à l’Ecole Nationale Supérieure de l’Aviation pour passer des tests psycho-techniques, physiques et mathématiques que j’ai passé avec succès et j’étais vraiment contente quand j’ai été recrutée par l’entreprise”, explique la jeune femme de 30 ans, aujourd’hui ingénieur de maintenance aéronautique. Le personnel est masculin mais cela ne l’a pas empêché de progresser.
A l’issue de cette épreuve, Aimée Nabo intègre en 2016 l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët Boigny (INPHB) de Yamoussoukro avec dix-neuf autres jeunes hommes.
“Dans cet institut nous avons fait une formation théorique et j’étais très contente quand j’ai fait mon premier voyage à l’étranger, en France pour suivre la formation pratique”, raconte-t-elle, se souvenant encore de son séjour européen. Ainsi, elle complète ce cycle par un diplôme B1 et B2 en ingénierie et mécanique aéronautique.
Alors qu’elle n’était qu’âgée de 28 ans, Aimée a été surprise de découvrir qu’il y avait encore très peu de femmes dans le secteur aéronautique.
“Dans ma promotion, j’étais la seule femme et maintenant je suis toujours la seule femme à mon poste, il y a plusieurs femmes qui travaillent dans la compagnie aérienne mais pas dans le secteur de la maintenance aéronautique”, a-t-elle déclaré.
Seule femme dans ce domaine, Aimée affirme être traitée au même niveau que les hommes de cette compagnie. En effet, dans plusieurs pays africains, le domaine de la maintenance aéronautique est traditionnellement dominé par les hommes. “C’est un travail qui demande beaucoup de courage, même si je suis la femme ingénieure, j’ai le respect et l’admiration de mes collègues”, dit-elle.
Selon une enquête réalisée en 2016 par le Conseil National pour la Mise en Œuvre du Programme Compact de la Millennium Challenge Corporation (CNPC-MCC) sur l’évaluation de la participation économique des femmes en Côte d’Ivoire, il a été révélé que 30% des femmes se sont inscrites pour formation dans les domaines de la mécanique générale et réparation, mécanique automobile, métallurgie car ce sont des domaines d’études considérés comme non traditionnels pour les femmes en Côte d’Ivoire. Car certains de ces obstacles sont plus ou moins liés aux questions de genre.
Aimée a été confrontée à des situations difficiles et elle les ressent une fois rentrée chez elle. “Je n’ai pas eu de problèmes majeurs dans ce métier mais le plus souvent je suis toujours anxieux une fois à la maison car je veux savoir si l’avion sur lequel j’ai travaillé, a décollé et atterri sans panne mécanique”.
La compagnie aérienne ivoirienne compte dix avions, dont 6 de la famille Airbus A 320. Et selon elle, ce métier permet le suivi curatif, préventif et technique des avions d’une compagnie aérienne en application des documents de maintenance du constructeur. mais aussi en application du plan de maintenance afin d’assurer et de garantir la navigabilité des aéronefs et surtout d’assurer la sécurité des vols. Explique-t-elle dans l’atelier de ladite entreprise situé à Port-Bouët dans la capitale économique ivoirienne.
L’un des admirateurs d’Aimée est le Capitaine Sossian, chef des ingénieurs de maintenance. Il a dit du travail d’Aimée: “Elle fait un travail impeccable et continue d’apprendre de ses prédécesseurs.”
Équilibrer sa vie familiale (elle est mariée et a un petit garçon) rend encore plus difficile de se préparer à assumer des responsabilités en tant qu’ingénieur d’entretien d’aéronefs certifié et de déplacer les “lignes” de stéréotypes. Mais elle apprécie le défi et elle n’abandonne pas.
“Après avoir finir de m’occuper de ma famille, préparer mon garçon pour l’école, je pars de chez moi en voiture le matin tous les jours pour une heure et demie de route jusqu’à Port-Bouët où se trouve l’usine et je rentre chez moi à 18h”, explique Aimée.
Et d’ajouter que si elle n’était pas déterminée il lui serait vraiment difficile de tenir le coup dans ce domaine de la maintenance aéronautique, a dit le domaine de l’homme. Parce que c’est un domaine professionnel ignoré du fait de sa méconnaissance, c’est un métier abstrait pour les Ivoiriens.
Dans un monde où il y a encore peu de modèles ou de mentors, Aimée veut être cela pour son fils mais aussi pour les milliers de jeunes femmes ivoiriennes.
C’est le cas de cette étudiante inscrite dans une école supérieure de Télécommunications et Électronique qui affirme être impressionné du parcours d’Aimée Nabo qu’elle a vu dans une interview sur les réseaux sociaux. Qui pourquoi pas essayera de faire comme elle.
Pour Aimée, occupé un grand poste de grande responsabilité et partager ces expériences aux jeunes femmes est une motivation pour elle.
“Je veux occuper un poste à grande responsabilité mais je veux aussi partager mes connaissances et mes expériences avec des jeunes femmes où je peux leur montrer comment travailler sur un avion et aussi à travers mon parcours a marqué l’histoire des femmes dans ce domaine”, dit-elle.
Récit : Mam Ouattara
Commentaires