Titulaire d’un master de Droit Public International de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest d’Abidjan, Laetitia Carelle Goli est engagée sur la thématique de la citoyenneté depuis plusieurs années auprès d’associations de jeunesse, qui luttent pour la démocratie et la bonne gouvernance. Activiste politique, féministe, elle travaille comme rédactrice et chroniqueuse pour des médias en ligne. Son engagement féministe l’emmène à dénoncer et à agir contre les violences sexuelles faites aux femmes, et à aider les victimes en les orientant vers l’assistance et l’aide dont elle ont besoin. De janvier 2019 à janvier 2020, elle fut la conseillère politique pour le genre et le féminisme de la Fondation Friedrich Ebert (Bureau d’Abidjan). Elle est aujourd’hui consultante analyste politique pour des organisations internationale et responsable juridique de la ligue ivoirienne des droits des femmes.
Passionnée de politique, en juillet 2020 elle lance l’académie politique des femmes une initiative qui vise à former les femmes en politique et à leur donner les outils pour occuper l’espace publique.
Depuis novembre 2020 elle est consultante internationale en compliance et investigation et a effectué des missions en Afrique centrale notamment en RDC
Férue d’écriture et de l’écriture elle dirige la collection Etudes féministes/Afrique francophone pour les Editions l’Harmattan Paris
Blogueuse elle est l’initiatrice de www.heroinesdici.com qui fait la promotion des figures féminines du passé et du présent. Elle est aussi blogueuse de la plateforme mondoblog de Rfi et vous pouvez lire ses analyses sur
www.carellelaetitia.mondoblog.org
Persuadée que le plaidoyer peut aider à améliorer la condition féminine elle est membre du groupe de plaidoyer Core de Care international pour la stratégie régionale 2030 de cette organisation.
- C’est quoi le GENRE ?
Le genre en sociologie désigne un système de bicatégorisation hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin) Plus simplement, le genre est une construction sociale qui se différencie du sexe biologique mais qui y fonde des rôles. Par exemple quand on prétend qu’une femme est celle qui reste à la maison et l’homme est celui qui rapporte de l’argent nous somme dans la théorie des rôles de genre. Le genre se construit sur ce que la société a prévu pour les hommes et les femmes. De ce fait, il est contextuel, culturel et spatio-temporel. Le genre se fonde aussi sur les relations de pouvoir et de hiérarchie dans ce sens il y a un genre qui sera plus privilégié que l’autre. Le genre est à la base des stéréotypes, des discriminations.
- Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes arrivée à vous impliquer dans LA LUTTE POUR LES DROITS DE LA FEMME ?
Je suis arrivée dans cette lutte de manière tout à fait naturelle, en tant que femme pour moi il serait inconcevable de ne pas me battre pour mes droits. En tant que citoyenne et juriste aussi. Mais surtout je crois avoir compris que même si la société nous donne un leurre quant à notre liberté, la condition féminine reste fragile, et encore précaire. C’est une lutte qui s’est imposée surtout avec les réseaux sociaux j’ai décidé de mettre mon temps et ma voix à contribution pour nous les femmes.
- Qu’est-ce-qui vous touche spécialement dans le féminisme ; avez-vous des sujets qui vous tiennent à cœur ?
Le féminisme pour moi c’est de la logique. En tant que femme c’est se battre pour soi, pour ses sœurs, ses filles etc…Le féminisme pour moi c’est une manière de vivre, une philosophie et c’est un acte de foi pour des lendemains meilleurs. Certaines femmes se sont battues pour nous, nous continuons. C’est de la justice sociale.
Je travaille depuis quelques années dans le domaine des violences, Je suis axée sur la participation politique des femmes donc les droits civiques et politiques et la liberté de disposer de son corps.
- Pourquoi devrait- on aborder aujourd’hui encore la question du féminisme ? Pensez-vous que beaucoup reste à faire dans le domaine des droits des femmes et de l’égalité hommes-femmes ?
Évidemment que beaucoup reste à faire dans le domaine des droits des femmes et de l’égalité, presque tout même. Et c’est bien la raison pour laquelle le féminisme est important. Le féminisme a redéfini les rapports sociaux, il a donné la voix aux femmes et aux filles et contribue à réduire les disparités entre les genres et à se battre contre les traditions prétextes.
- Le combat à mener aujourd’hui ne concerne-t-il pas davantage la sphère privée que la sphère publique ?
Il serait difficile de cantonner un combat tel que le féminisme à une seule sphère. Dans la mesure ou la femme politique/entrepreneure/cadre ne peut se dissocier de la femme épouse ou de la femme mère, sœur ou fille. Et ces différentes catégories de femmes ont pour dénominateur commun leur condition. Et cette condition est celle qui constitue un plafond de verre qui peut commencer dans une sphère privée ou intime pour affecter la sphère publique. Par ailleurs, le féminisme reste un combat politique qui doit être mené au niveau politique. Si les femmes veulent changer leur existence, elles doivent aussi s’engager en politique.
- C’est quoi pour vous être féministe aujourd’hui ?
Être féministe aujourd’hui c’est pareil qu’être féministe hier, c’est vouloir la justice sociale et se battre pour l’égalité qui est naturelle.
- Qu’est-ce que c’est pour vous, être féministe en Afrique de l’Ouest ? Particulièrement en Côte d’Ivoire ?
Pour moi c’est tenir compte de ses réalités culturelles, et contextualiser son combat. Évidemment que la féministe en Côte d’Ivoire n’aura pas les mêmes thématiques ou priorités que la féministe aux USA. Nous nous battons encore contre un contexte culturel et religieux pesant. Les femmes en occident ne vont pas peut être s’engager contre l’excision, car c’est un sujet qui certes s’y est exporté mais n’est pas aussi urgent qu’ici. Mais vous les verrez se battre -si elles sont noires- pour un afro féminisme et contre le racisme, une réalité qui n’est pas présente en Côte d’ivoire vu que nous ne sommes pas un pays aussi multiracial et mosaïque et que nous n’avons pas la même histoire. Être une féministe au Mali par exemple est encore pire car leur contexte est encore plus lourd et l’analphabétisme n’aide pas. Le féminisme va s’adapter au milieu où il évolue et aux pesanteurs qui clouent les femmes dans ce milieu.
- Les revendications et les modes d’action féministes se multiplient et se répandent dans le monde entier. Que ce soit dans la rue – à travers les grèves de femmes massives dans plusieurs pays du monde – mais aussi sur les réseaux sociaux dans la foulée de #MeToo. Assiste-t-on à une révolution mondiale, une “Internationale féministe” ?
Oui nous sommes à l’heure de la révolution féministe comme il y a 60 ans le vent de la décolonisation a soufflé en Afrique.
- Que faites-vous au quotidien pour pousser votre combat ?
Je me prononce, j’écris, je forme d’autres femmes, je prends fermement position sur des sujets qui me semblent impérieux.
- Et si vous nous parliez de la Ligue ? On aimerait en savoir plus sur cette organisation et le rôle que vous y jouer.
La ligue ivoirienne des Droits des femmes est une organisation féministe qui se bat contre toutes les formes de violences faites aux femmes. Par la dénonciation, l’assistance et l’aide apportées aux victimes. Il y a plusieurs départements dont celui des interventions qui fait un travail colossal notamment en intervenant directement sur le terrain en isolant les victimes et survivantes des milieux de violence. Vous pourrez avoir plus d’informations avec les responsables de ces départements
Je suis la responsable juridique chargée d’appuyer l’aide quand elle est d’ordre judiciaire ou juridique.
- Comment gérer vous au quotidien la pression, les menaces, les insultes ?
Il faut quand on est féministe préserver sa santé mentale. C’est-à-dire savoir se détacher émotionnellement de beaucoup de frustrations. Moi personnellement il y a des moments ou je suis plus incisive que d’autres, pour gérer tout ça il faut déjà se dire que ça fait partie du combat, se former de telle sorte que nos dires ne soient pas utilisés contre nous, apprendre les techniques de répartie et surtout avoir une communauté qui pourra aider en cas de grande pression ou de menace. Il ne faut jamais négliger de procéder à une action légale si des propos sont très inquiétants.
- Beaucoup de gens diront, comme tu es une fille, tu risques le viol et les agressions sexuelles si tu sors. Il est donc normal qu’on veuille protéger les filles ; c’est pour leur bien. Qu’avez-vous à répondre à cet argument ?
Je dirais que ce serait de ne pas s’acheter de montres ou d’objets de valeur car il y a des voleurs. Ou de ne pas conduire car il y a des accidents. Accepter cette assertion c’est accepter que la féminité soit un problème et que ce sont les femmes les raisons des agressions. La victime n’est pas la raison de son agression. Le bourreau l’est. Si les femmes sont si agressées c’est déjà parce que la société donnera raison aux bourreaux, c’est parce que ces actes sont souvent admis justifiés ou excusés et c’est aussi parce que la répression est faible. Si l’on veut protéger les filles, il faut éduquer les hommes et leur apprendre à respecter le corps de la femme.
- Avez-vous des rencontres avec la jeunesse pour leur partager l’importance de votre combat ?
Oui assez souvent. Le samedi 17 Avril j’aurai une rencontre avec des lycéennes pour parler de harcèlement et briser le tabou sur ce sujet. Nous essayons de rencontrer des plus jeunes pour leur apprendre la nécessité de s’engager sur les droits humains et féminins.
- A-t-on ici en Afrique des hommes pour le féminisme ? Comment se passe votre collaboration ?
Il existe des hommes pro-féministes en Afrique, ils contribuent efficacement à l’avancée de cette lutte en déconstruisant les concepts de masculinité toxiques et surtout l’idée que ce serait un combat anti-hommes. Notre collaboration est très cordiale car ce mouvement en tant que quête d’une meilleure société nécessite une harmonie.
- Et votre entourage comment gère-t-il votre combat au quotidien qui vous met en avant sur la scène ?
Mes amis, ma famille me soutiennent énormément, j’ai la chance d’avoir un entourage compréhensif qui me pousse et qui est fier de ce que je suis devenue. C’est une force qui aide à prendre position quand on sait comment des familles musèlent encore certaines femmes. Je crois qu’être au-devant de la scène tant que c’est dans l’optique de promouvoir des valeurs est une source de bonheur pour mon entourage.
- Quel monde souhaitez-vous pour demain ?
Pour moi le monde de Demain est libre, égalitaire et plus sûr pour les femmes et les filles. Plus de violence ou d’actes préjudiciables qui soit sexo orientées. Des femmes qui sortent de cet état de tiers monde, des femmes qui dirigent, des femmes éduquées, des mères qui bénéficient de plus de protection sociale. Des filles et des garçons qui sont éduqués sur les mêmes valeurs d’égalité et d’humanisme. Des lois plus justes et inclusives, des religions qui ne tolèrent plus les abus, des métiers ouverts où ne comptent que la compétence plutôt que le genre. Des hommes qui considèrent les femmes comme leurs égales car nous le sommes tous et toutes.
C.N

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